Les fruits et légumes frais sont plutôt rares au nord du 60e parallèle, mais l’expérience d’Helen Green et d’Andrew Cassidy montre que le mouvement en faveur des aliments locaux a « tout l’espace nécessaire pour prendre de l’expansion ».

Helen Green et Andrew Cassidy sont devenus agriculteurs par pur hasard.

D’autres carrières les avaient amenés à Hay River, située sur les rives du Grand lac des Esclaves, dans les Territoires du Nord-Ouest. Après avoir déniché un terrain situé à proximité de Paradise Valley, il leur a semblé honteux de ne pas mettre à profit une partie de ce riche sol limoneux. La préparation d’une parcelle de 30 pieds sur 40 a toutefois représenté un projet assez ambitieux pour un couple qui n’avait qu’une seule autre bouche à nourrir, celle de leur fillette Anna.

« Nous nous sommes lancés et nous avons semé un peu de tout en grande quantité, raconte Andrew. À la fin de la saison, nous avions beaucoup plus de carottes que nous pouvions en consommer. C’est alors que nous avons décidé de faire des bottes et de nous rendre au marché Fisherman’s Wharf pour essayer d’en vendre le plus possible. »

Le quai est un endroit populaire de cette ville de 3 600 habitants. Vous pouvez y acheter du cisco et du brochet fraîchement pêchés, ainsi que quelques produits alimentaires locaux, mais personne n’offre de produits fraîchement cueillis.

« Nos carottes se sont vendues avec une rapidité étonnante, raconte Andrew. C’était la dernière journée du marché, mais nous étions enchantés et déterminés à répéter l’expérience. »

La région des Territoires du Nord-Ouest n’est pas un milieu agricole bien qu’on y trouve un producteur commercial d’œufs et près d’une vingtaine de personnes qui tirent une partie de leurs revenus de l’agriculture. C’est toutefois un endroit où les producteurs peuvent établir des liens exceptionnellement étroits avec leurs clients, et Andrew tient à préciser que c’est un aspect qui les a encouragés à innover davantage.

« Nous découvrons ce qui fonctionne pour nous en tant que producteurs et ce qui fonctionne pour les clients, bien que nous les considérions comme des amis et des voisins, dit-il. Nous apprenons à nous connaître mutuellement. »

Comme la demande de produits frais en provenance de Greenwood Gardens ne cesse de croître, le couple n’hésite pas à essayer de nouvelles cultures, dont diverses variétés de légumes, des melons, des petits fruits et des fines herbes. Les nouveaux produits ne sont pas accueillis sur le champ, mais comme Greenwood Gardens est le seul fournisseur en ville (à l’exception d’un voisin qui vient de se lancer dans la culture maraîchère), un lien très direct s’est créé entre le producteur et le client.

« Par exemple, nous avons commencé à cultiver des variétés anciennes de carottes », explique Andrew, qui tire une grande partie de ses revenus de son emploi de jour à titre de directeur administratif de l’association des producteurs agricoles des Territoires du Nord-Ouest (Territorial Farmers Association – farmnwt.com).

« Les gens d’ici n’avaient pas vu de carottes mauves depuis fort longtemps. Nous en avons donc inséré dans les bottes de carottes ordinaires. Ils nous demandaient : Pourrais-je avoir une botte de carottes orange seulement? Nous leur répondions : Désolé. Nous n’avons que des bottes avec des carottes mauves, blanches et orange. Quelques semaines plus tard, des clients cherchaient les bottes avec le plus de carottes mauves parce qu’ils aimaient leur saveur et leur texture différentes. »

Le même scénario s’est répété lorsqu’Helen a commencé à cultiver des fines herbes. Le couple possède maintenant deux acres en culture et quatre serres, y compris des installations chauffées pour le démarrage les plants. Comme ces dernières ont coûté assez cher, la culture des fines herbes était une façon de générer des revenus supplémentaires à partir de cet investissement. Il va sans dire qu’à Hay River, les herbes fraîches étaient pratiquement aussi rares que les carottes mauves. Andrew mentionne qu’ils ont passé des heures interminables à expliquer comment utiliser les fines herbes comme le basilic frais. Il se souvient d’une fois où il avoir apporté au marché du basilic d’une valeur totale de 50 $ sans pratiquement en vendre. La semaine suivante il n’en avait pas apporté. Étonnamment, les gens lui en demandaient parce qu’ils avaient entendu parler à travers les branches du triomphe culinaire qu’avait remporté une personne qui en avait utilisé.

Ce lien direct et non filtré avec les clients n’a pas que contribué à stimuler leur entreprise. Il a convaincu Andrew que le mouvement en faveur des aliments locaux n’en était qu’à ses balbutiements.

« Il y a amplement de place pour la croissance », explique Andrew, âgé de 37 ans.

Prenons par exemple le concept de saisonnalité. Il indique avoir eu quelques conversations avec des clients qui ne comprenaient pas pourquoi il n’avait pas de pommes de terre à vendre en juin. Bien que l’élaboration d’un menu en fonction de la disponibilité des produits locaux demeure encore un concept étranger pour la plupart des gens, il observe que les mentalités commencent à changer.

« Je ne crois pas que les gens élaborent leurs menus en fonction des produits disponibles à un moment particulier de la saison, mais je crois qu’ils commencent à comprendre que ce n’est pas naturel d’avoir des oranges en hiver, dit-il. Ils se préoccupent davantage de leurs aliments et de la façon dont ils leur parviennent. »

À Hay River, les produits arrivent par camion après avoir parcouru une distance de 1 000 kilomètres à partir d’Edmonton, un trajet qui représente le dernier tronçon d’un voyage qui commence très souvent en Californie.

Bien qu’il soit très agréable de pouvoir acheter de la laitue « fraîche » en janvier, il n’en demeure pas moins que ce produit qui a été cueilli et emballé il y a deux ou trois semaine ne peut concurrencer avec un produit frais, fait observer Andrew, qui est également maire de Hay River.

Il ajoute que leur abondante récolte de carottes en 2006 a semé quelque chose d’autre dans la ville. Actuellement, le nombre de citadins qui se lancent dans le jardinage « croît à pas de géant ».

« Les gens commencent avec une butte, en ajoutent une autre, convertissent le terrain devant la maison, le terrain derrière la maison et, ensuite, ils demandent à leur voisin s’ils peuvent installer une butte sur leur terrain, raconte-t-il. Je crois que non seulement le nombre d’agriculteurs urbains augmentera, mais que cette tendance sera un incubateur pour de futurs agriculteurs. »

Pour Andrew, une chose est claire : le fait que les gens souhaitent se rapprocher des aliments qu’ils consomment n’est pas un caprice urbain, mais un puissant facteur dont les agriculteurs ont besoin pour progresser.

« Après tout, l’agriculture n’a-t-elle pas toujours évolué ainsi : en répondant à la demande et en surveillant la façon dont les consommateurs dépensent leur argent. »